La Succession by Jean-paul Dubois

La Succession by Jean-paul Dubois

Auteur:Jean-paul Dubois [Jean-paul Dubois]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
Éditeur: Olivier
Publié: 2016-08-17T22:00:00+00:00


L’apprentissage

* * *

Durant ce long printemps, j’avais cru posséder le trousseau magique capable d’ouvrir toutes les portes du bonheur ou, à tout le moins, chacun des ingrédients hétéroclites qui le composaient. Et du jour au lendemain je n’eus plus en poche que quatre clés basiques. Celle, portant le sigle Volkswagen, qui débloquait le Neiman de la Karmann, celle de la maison de Toulouse avec laquelle on pouvait assommer un homme, la troisième, à tête plastifiée, ouvrant mon appartement de Hialeah, et la dernière, celle de mon bateau, surmontée d’un embout de liège censé lui assurer un temps de flottaison si, par mégarde, elle tombait à l’eau.

Un trousseau énorme, puis quatre clés. Les dimensions du monde s’étaient soudainement rétractées. Mon chien ne s’en plaignait pas, sinon qu’il ne comprenait pas pourquoi, le soir je pleurais parfois en feuilletant un magazine.

Sans travail, congédié de chez Wolfie’s, l’argent se faisant rare, il était évident que la vie me montrait, elle aussi, la porte de sortie de ce territoire de l’éphémère dans lequel j’avais cru pouvoir m’installer à demeure. Il n’y avait plus rien ici pour moi. La grève s’enkystait chaque jour davantage comme un mauvais abcès, et les quelques emplois de substitution auxquels je pouvais prétendre étaient offerts par des directeurs américains de taille moyenne qui n’avaient jamais mis les pieds au Studenterlunden Park d’Oslo, ne manquaient jamais un match des Dolphins, et gardaient à portée de main leur paire de huevos. Il leur manquait tellement d’autres choses que leurs offres ne pouvaient pas être prises en compte.

Vint donc le moment où la réalité rattrapa mes petites fictions. Je devais rentrer en France et m’accoutumer à cette mauvaise pensée qui depuis quelque temps tournait dans ma tête : rouvrir le cabinet paternel. Je refusai cette éventualité comme on récuse un mal de dents en gésine, mais au fond de moi je savais que l’abcès était là, pulsant discrètement, et menaçant.

Lorsque j’annonçai ma décision à Epifanio, il éclata de rire : « Arrête tes conneries, coño. Tu es dingo, no ? Ta Norvégienne t’a congelé le cerveau, c’est pas possible. Putain regarde-toi. Tu es fait pour faire de la médecine comme moi pour écorcher les chats. Tu te vois mettre un doigt dans le cul de Chupetón pour vérifier sa mécanique ? Toi, tu es fait pour rester ici, être mon ami et jouer quand ça va reprendre, parce que ça va reprendre, amigo, ça va reprendre. »

Une semaine plus tard, j’invitai Epifanio à dîner dans un restaurant qui préparait de la raie et du requin avec un riz brun et une sauce épicée qui faisait monter les larmes aux yeux.

À la fin du repas je lui annonçai la date de mon départ. Je posai aussi sur la table les clés de la Karmann et de mon bateau. Il y avait également un formulaire administratif rempli pour qu’il puisse mettre ces deux engins à son nom. Deux modestes cadeaux, mais je vis que mon ami leur attribuait une valeur bien différente quand ses yeux s’embuèrent de larmes : « Tu es vraiment un sacré type, Pablito.



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